Alain Myrand et Louis Jolicoeur31 août 2024
Une vie bien vécue! C’est le moins qu’on puisse dire à propos de la façon dont Lucien a mené sa vie. Elle n’aura pas toujours été facile, mais le grand talent de Lucien aura été de toujours en tirer le meilleur, de voir partout où il se trouvait le beau côté des choses, et de se battre pour que cela soit mis en évidence plutôt que les déboires, la tristesse et les petits malheurs – même les plus grands – de la vie. On se souviendra longtemps de Lucien et de son amour de la vie, des bonnes choses, des voyages, des gens qu’il rencontrait un peu partout, des restaurants qu’il découvrait avec une passion toujours renouvelée. Pour nous, ses amis de tennis, Lucien incarnait cette passion pour le monde et ses richesses de tous types. Et le tennis en faisait partie, bien sûr! En fait, le tennis, c’était même une forme de condensé de la vie pour Lucien : on s’y maintenait en forme, on essayait de se dépasser, on affrontait des adversaires-amis, que la lutte rendait encore plus indéniablement amis, malgré la férocité des échanges. En fait, l’amitié, valeur cardinale pour Lucien, était complétée par l’échange tennistique. En se dépassant, en cherchant à gagner, c’était l’autre devant soi qu’on respectait avant tout, et c’est dans ce duel qu’on cherchait à offrir au monde le plus beau côté des choses. Ce qui ne veut évidemment pas dire que Lucien ne cherchait pas à gagner. Bien au contraire! L’échec, très peu pour lui. Mais encore une fois, gagner, cela faisait partie de sa mansuétude, de sa générosité, de sa candeur et de sa modestie, mêlée toujours de sa détermination, de sa fierté, de sa force de caractère et de son amitié. Toujours, il voulait offrir le meilleur de lui-même. Alors pas question, bien sûr, de se laisser aller. D’où la difficulté des derniers temps, Lucien ayant bien du mal à se voir ainsi diminué, à savoir qu’il ne pouvait plus offrir son amitié à la force de ses bras, avec sa détermination de toujours. Nous ne pourrons jamais plus entendre parler de tennis sans y associer le visage souriant et un brin espiègle de Lucien, tout derrière ; ni des restaurants de Québec et d’ailleurs ; ni des nombreuses contrées où Lucien a laissé sa marque : de l’Italie à la République dominicaine, en passant par Cuba et la Floride, sans parler de son proverbial campeur où il aimait tant se balader avec sa Françoise, du fin fond des États-Unis jusqu’aux Maritimes. Toujours le visage de Lucien restera gravé à ces souvenirs, qu’il aimait tant évoquer après nos parties de tennis, quand le sport laissait place à la partie qu’il aimait tout autant, celle où nous parlions de la vie, la sienne et les nôtres, de la bonne chère (combien de recettes échangées!), des voyages, des gens rencontrés, de ses élèves, de sa famille, si précieuse. Le tout assaisonné de ces nombreuses photos dont Lucien raffolait. Quel photographe, d’ailleurs, notre Lucien! On voyait dans ses photos tout l’amour qu’il portait à la nature, à la faune, aux gens, aux beaux endroits. Le souci du détail, l’originalité du regard, la douce ironie, la photographie pour Lucien incarnait tout ce qu’il aimait dans la vie. Et c’était aussi une façon fine, délicate et très personnelle de se rapprocher des choses simples, de la vraie vie, de lui-même. Pour terminer ce court hommage à notre ami Lucien, rien de mieux sans doute que d’évoquer un des maîtres du tennis, tant apprécié de Lucien, le grand Rafael Nadal, tel que vu par le chroniqueur Joseph Facal, il y a quelques jours, dans le Journal. Comme le dit si bien Facal, alors qu’il venait de voir le rideau tomber sur la fabuleuse carrière de Nadal, ce « modèle d’humilité, de gentillesse et de confiance en soi qui n’a jamais pris la forme de l’arrogance » : Il ne faut pas craindre la fin et il faut faire de son mieux jusqu’au bout. S’inspirant du roman de Hemingway Le vieil homme et la mer (nous sommes à Cuba, donc jamais très loin de Lucien), Facal rappelle que « ce n’est pas gagner ou perdre qui est le plus important, mais comment on se comporte pendant et après la bataille ». Et de finir en disant que « c’est le fait de savoir que tout a une fin qui donne de la valeur à la vie, si on fait de son mieux ». Voilà qui ne pourrait mieux s’appliquer à notre cher Lucien.